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l'ame. Si j'éprouve actuellement de la douleur, je ne dirai pas que j'ai l'idée de la douleur, je dirai que je la sens. Mais si je me rapelle une douleur que j'ai eue, le souvenir et l'idée sont alors une même chose, et si je dis que je me fais l'idée d'une douleur dont on me parle, et que je n'ai jamais ressentie, c'est que j'en juge d'après une douleur que j'ai éprouvée ou d'après une douleur que je souffre actuellement. Ibid. p. 40. 41. Les sensations considérées comme représentant les corps, se nomment idées, mot qui dans son original n'a signifié que ce que nous entendons par image. Grammaire p. LXVIII. Le seul moyen d'acquérir des connoissances, c'est de remonter à l'origine de nos idées, d'en suivre la génération et de les comparer sous tous les rapports possibles, ce que j'appelle analyser. Essai etc. p. 111.

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4. Nous imaginâmes une statue organisée intérieurement comme nous, et animée d'un esprit privé de toute espèce d'idée. Nous supposâmes encore que l'éxtérieur tout de marbre ne lui permettoit l'usage d'aucun de ses sens, et nous nous réservâmes la liberté de les ouvrir à notre choix aux différentes impressions dont ils sont susceptibles. Nous crûmes devoir commencer par l'odorat, parce que c'est de tous les sens celui qui paroît contribuer le moins aux connoissances de l'esprit humain. Avec les sensations de l'odorat, de l'ouïe, du goût et de la yue, l'homme se croiroit odeur, son, saveur, couleur, et ne prendroit aucune connoissance des objets extérieurs. Les odeurs ne sont qué ses propres modifications ou manières d'être. Tr. d. sens. p. 50. 29. 57. La perception ou l'impression occasionnée dans l'ame par l'action des sens est la première opération de l'entendement. Ce sentiment... qui l'avertit du moins d'une partie de ce qui se passe en elle, je l'appelerai conscience. Ainsi la perception et la conscience ne sont qu une même opération sous deux noms. Entre plusieurs per

ceptions dont nous avons en même temps conscience, il nous arrive souvent d'avoir plus conscience des unes que des autres.... cette opération s'appelle attention. Essai de l'or. etc. p. 38. 50. 42. À la première odeur la capacité de notre statue est tout entière à l'impression qui se fait sur son organe. Voilà ce que j'appelle attention. L'attention qu'elle a donnée à l'odeur la retient, et il en reste une impression, plus ou moins forte, suivant que l'attention a été elle-même plus ou moins vive. Voilà la mémoire. Les sensations actuelles de l'ouïe, du goût, de la vue et de l'odorat ne sont que des sentimens.... parce que l'ame ne peut les prendre que pour des modifications d'elle-même. Mais si ces sentimens n'existent que dans la mémoire qui les rappelle, ils deviennent des idées. Tr. des sens. p. 58. 61. 40. Lorsque notre statue est une nouvelle odeur, elle a donc encore présente celle qu'elle a été le moment précédent. Sa capacité de sentir se partage entre la mémoire et l'odorat. — Or les manières d'être ne peuvent se partager la capacité de sentir qu'elles ne se comparent, car comparer n'est autre chose que donner en même temps son attention à deux idées. Dès qu'il y a comparaison, il y a jugement. — Un jugement n'est que la perception d'un rapport entre deux idées que l'on compare. Ibid. 61. 65. 66. La mémoire est une suite d'idées, qui forment une espèce de chaîne. C'est cette liaison qui fournit les moyens de passer d'une idée à une autre. A la seconde sensation la mémoire de notre statue n'a pas de choix à faire, elle ne peut rappeler que la première. — Mais lorsqu'il y a eu une suite de modifications, la statue conservant le souvenir d'un grand nombre, sera portée à se retracer préférablement celles qui peuvent davantage contribuer à son bonheur, elle passera rapidement sur les autres, ou ne s'y arrêtera que malgré elle. Ibid. 68. 69. Il y a dans l'action de cette faculté deux degrés que nous pouvons fixer. Elle conf*

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serve le nom mémoire lorsqu'elle ne rappelle les choses que comme passées, et elle prend le nom d'imagination lorsqu'elle les retrace avec tant de foree, qu'elles paroissent présentes. Ibid. p. 78. Les modifications qui doivent plaire davantage à la statue ne sont pas toujours les dernières qu'elle a reçues. Elles peuvent se trouver au commencement ou au milieu de la chaîne de ses connoissances comme à la fin. L'imagination est donc souvent obligée de passer rapidement par-dessus les idées intermédiaires. La liaison des idées ne suit donc pas le même ordre dans ses facultés. Mais toutes ces chaînes ne se forment que par des comparaisons qui ont été faites de chaque anneau avec celui qui le précède et avec celui qui le suit.... Ce lien devient plus fort à proportion que l'exercice des facultés fortifie les habitudes de se souvenir et d'imaginer. Ibid. p. 82. 83. Abstraire c'est séparer une idée d'une autre à laquelle elle paroît naturellement unie. Ibid. p. 96. (L'action des sens suffit à la production de quelques idées abstraites. Avec la seule vue, on n'a que l'idée abstraite de quelque couleur.... voilà tout l'artifice des idées que nous nous forL'art de penser p. 93. 94.) Toutes ces abstractions se bornent à des modifications plus ou moins agréables et à d'autres plus ou moins désagréables. Tr. d. sens. p. 97. Notre statue étant capable de mémoire, elle n'est point une odeur qu'elle ne se rappelle en avoir été une autre. Voilà sa personalité, car si elle pouvoit dire moi, elle le diroit dans tous les instans de sa durée. Ibid. p. 118. Presque tout ce que j'ai dit sur les facultés de l'ame, en traitant de l'odorat, j'aurois pu le dire en commençant par tout autre sens, il est aisé de leur en faire l'application. Ibid. p. 123.

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5. Il n'en est de la sensation de solidité comme des sensations de son, de couleur et d'odeur, que l'ame.... aperçoit naturellement comme des modifications où elle se trouve et ne trouve qu'elle;

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puisque le propre de cette sensation est de représenter à-la-fois deux choses qui s'excluent l'une hors de l'autre, l'ame n'apercevra pas la solidité comme une de ces modifications où elle ne trouve qu'ellemême, elle l'apercevra nécessairement comme une modification où elle trouve deux choses qui s'excluent, et par conséquent elle l'apercevra dans ces deux choses. Voilà donc une sensation par laquelle l'ame passe d'elle hors d'elle, et on commence à comprendre comment elle découvrira des corps. Ibid. p. 185. 186. La sensation actuellé comme passée de solidité est seule par elle-même tout à-la-fois sentiment ét idée. Elle est sentiment par le rapport qu'elle à à l'ame qu'elle modifie, elle est idée par le rapport qu'elle a à quelque chose d'extérieur. Le toucher accoutumé à rapporter ses sensations audehors fait contracter la même habitude aux autres sens. Toutes nos sensations nous paroissent les qualités des objets qui nous environnent, elles les représentent donc, elles sont des idées. Tr. d. sens. Extr. prél. p. 41. L'attention dont elle est capable avec le toucher, produit donc des effets bien différens de l'attention, dont elle étoit capable avec les autres sens. Or cette attention qui combine les sensations, qui en fait au-dehors de tous, et qui réfléchissant pour ainsi dire d'un objet sur un autre, les compare sous différens rapports, c'est ce que, j'appelle réflexion. Ainsi l'on voit pourquoi notre statue, sans réflexion avec les autres sens, commence à réfléchir avec le toucher. Ibid. p. 216. (La réflexion n'étant dans l'origine que l'attention même, on pourroit la concevoir de manière qu'elle auroit lieu avec chaque sens. Ibid. note 1. cf. Essai etc. p. 89. Gramm. p. XCI.). Un corps qu'elle touche, n'est à son égard que les perceptions de grandeur, de solidité, de dureté etc., qu'elle juge réunies, c'est là tout ce que le tact lui découvre, et elle n'a pas besoin pour former un pareil jugement de donner à ces qualités un sujet, un soutien ou, comme

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parlent les philosophes, un substratum. Il lui suffit de les sentir ensemble. Si l'on demande donc ca que c'est qu'un corps, il faut répondre: c'est cette collection de qualités que vous touchez. Tr. des sens. p. 217. 43. Le mot substance est un nom donné à une chose que nous savons exister, quoique nous n'en ayons point d'idée. Gramm. LXX. Les choses que nos idées ou nos sensations nous représentent dans le corps, se nomment qualités.... Or, puisque les sens nous représentent successivement les qualités, il dépend de nous de les considérer les unes après les autres, Nous pouvons donc les observer comme si elles existoient séparées de la substance qu'elle modifient.... c'est ce qu'on nomme une idée abstraite, Ibid. LXX. LXXII. Lorsque la statue étoit bornée aux autres sens, elle ne pouvoit faire des abstractions que sur ses propres manières d'être: elle en séparoit certains accessoires communs à plusieurs; elle en séparoit par exemple le contentement ou le mécontentement, qui les accompagnoient, et elle faisoit par ce moyen les notions générales des manières d'être agréables et des manières · d'être désagréables. Mais actuellement qu'elle s'est accoutumée à prendre ses sensations pour les qualités des objets sensibles, c'est à dire pour des qualités qui existent hors d'elle et pour ainsi dire, par grouppes, elle peut les détacher chacune des collections dont elles font partie, les considérer à part, et former des abstractions sans nombre. Tr. des sens. p. 219. Ici les idées se divisent encore en deux espèces: j'appelle les unes sensibles, les autres intellectuelles. Les idées sensibles nous représentent les objets qui agissent actuellement sur nos sens; les idées intellectuelles nous représentent ceux qui ont disparu après avoir fait leur impression: ces idées ne diffè rent les unes des autres, que comme le souvenir diffère de la sensation. Tr. des sens. p. 43. Je me vois environné d'objets qui agissent tous sur moi, chacun à sa manière.... Mais ce moi qui prend de

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