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THEQUE CANTONAL

LAUSANNE

UNIVERSITAIR

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Burke l'a dit, « une nation est un être moral et non pas une fraction géographique; » or, en Irlande, deux nations distinctes existent à côté l'une de l'autre. Par ses intérêts, par ses mœurs, par ses croyances, la race anglo-irlandaise s'isole encore aujourd'hui de la population celtique à côté de laquelle le sort l'a placée. Mais ce n'est pas tout : les protestants d'Irlande diffèrent essentiellement de leurs

1 Ces vifs chapitres, écrits par un whig irlandais dont rien, jusqu'à présent, n'a trahi l'anonyme, datent de 1843. Ils donnent un tableau curieux de l'Agitation irlandaise, et fourmillent de renseignements biographiques qu'on chercherait vainement ailleurs.

coreligionnaires anglais. Ils unissent l'orgueil saxon à la sensibilité, à l'ardeur celtique. Ce caractère à part s'est formé pendant le dix-huitième siècle, alors que l'Irlande possédait encore une aristocratie parfois sédentaire et une législature nationale. Chez l'Anglo-Irlandais, l'impétuosité milésienne se retrouve, à peine tempérée; la froideur britannique ne tient pas à la longue contre la contagion entraînante du caractère indigène, et n'étaient certaines institutions exclusives, le type héréditaire du peuple conquérant se serait complétement effacé.

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Dans un salon de Dublin, observez, si vous voulez vous divertir, le contraste des idées anglaises et des instincts opposés sur lesquels elles sont, pour ainsi dire, greffées. Voyez ce jeune avocat tory raillant le peuple et ses défenseurs avec les formules sarcastiques, les vives épigrammes, les métaphores désordonnées, qui sont partout ailleurs l'apanage exclusif de l'éloquence tribunitienne. Voyez encore ce protestant fanatique, poursuivant le clergé romain de ses impitoyables facéties, tourner contre l'Irlande toute la verve caustique de l'esprit irlandais, et ridiculiser Paddy1 comme un paddy seul peut le faire. Amusez-vous ensuite des efforts inutiles que font ces deux ou trois flâneurs de Dublin s'essayant à singer la roide pantomime et la gravité affectée qui passent à Londres pour un «< air convenable. >>

Quant aux dames, nous désespérerions de rendre ici leurs physionomies petillantes, leur parler rapide et menu, leurs jolies petites antipathies, leurs enthousiasmes mignons, et leur ardeur de prosélytisme, quand il s'agit de quelque prédicateur favori. Jamais l'austère protestantisme n'a eu des organes si gais, des manières si

1 Paddy, nom générique du paysan irlandais.

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engageantes, des grâces si coquettes. Il va sans dire qu'ici nous parlons des jeunes femmes les dames âgées n'ont d'irlandais que l'orgueil fanfaron, la rodomontade imposante que l'on reconnaît sans peine, quand ces cousines des épiciers de Grafton-street et ces petites filles des chapeliers de Sackville-street parlent sérieusement de « leur apparentage. ».

Il faut donc un œil exercé pour discerner tout d'abord les << deux nations » dont nous avons parlé. Homogènes partout ailleurs, elles ne se séparent que sur le terrain politique; mais aussi, une fois là, que de différences! L'une puise dans l'exclusive propriété du pays territorial un orgueil immense, écrasant; l'autre, qui règne sur l'opinion publique, se sent plus forte encore et se confie mieux à l'avenir. La première a pour elle presque toutes les autorités constituées; la seconde étaye ses prétentions sur l'assentiment et l'appui des masses populaires.

Elles ont des traditions distinctes. Les yeux tournés vers le passé, l'aristocratie d'Irlande s'exalte jusqu'au délire de l'orgueil; l'avenir seul sourit à ses antagonistes. Dans les temps ordinaires, la nation d'en haut affecte de mépriser celle d'en bas, qui répond à ce dédain par une haine furieuse. Au fond, elles se craignent l'une l'autre, mais pour rien au monde elles ne voudraient laisser percer ce sentiment dont elles rougissent, et qu'elles déguisent sous de ridicules bravades.

Elles se craignent, disons-nous, et non sans motifs. Quoi que des observateurs superficiels en puissent penser, une lutte entre elles n'aurait rien d'inégal. Dans une guerre civile, pas plus que dans toute autre guerre, la victoire n'appartient d'avance aux plus nombreux bataillons. Suivant Napoléon, la force morale est à la force phy

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