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IMITATION DE SAPHO*.

Heureux celui qui près de toi soupire;
Qui sur lui seul attire ces beaux yeux,
Ce doux accent et ce tendre sourire!
Il est égal aux dieux.

De veine en veine, une subtile flamme
Court dans mon sein, sitôt que je te vois ;
Et, dans le trouble où s'égare mon ame,
Je demeure sans voix.

Je n'entends plus ; un voile est sur ma vue ;
Je rêve, et tombe en de douces langueurs ;
Et sans haleine, interdite, éperdue,

Je tremble, je me meurs.

Ces vers furent composés à la sollicitation de M. l'abbé Barthelemy, qui pria l'auteur de suivre, dans cette traduction, la mesure des vers saphiques. — Voyez le Voyage d'Anacharsis, chap. III, et la note 11.

LE RUISSEAU DE LA MALMAISON,

VERS POUR LA FÊTE DE MADAME DU MOLÉ.

(C'est le dieu du ruisseau qui parle.)

Parmi les jeux que pour vous on apprête, Permettez, belle Églé, que le dieu du ruisseau, Qui, charmé de baigner votre heureuse retraite, Vous voit rêver souvent au doux bruit de son eau, Vienne s'unir à cette aimable fête.

C'est à vous que je dois le destin le plus beau:
Mes ondes, avant vous, foibles, déshonorées,

Sur un limon fangeux se traînoient ignorées;

C'est vous de qui les soins, par des trésors nouveaux, Ont augmenté les trésors de ma source;

C'est vous qui, dans leur course,

Sans les gêner, avez guidé mes eaux.
Vous, de Marly (') Naïades orgueilleuses,
Qu'au haut des monts vos eaux ambitieuses
S'élévent avec peine, et fassent gémir l'air
Du bruit affreux de leurs chaînes de fer;
Moi, dans ma course vagabonde,
A son penchant j'abandonne mon onde.
Que, dans de pompeuses prisons,

(1) La Malmaison est près de Marly.

Le marbre des bassins tienne vos eaux captives: Entre des fleurs et des gazons

Je laisse errer mes ondes fugitives. Allez baigner des rois le séjour enchanté; Moi, j'arrose les lieux où se plaît la beauté. Là, prenant tour-à-tour vingt formes différentes, Mes flots se font un jeu d'exprimer dans leur cours De la charmante Églé les qualités brillantes, Et savent toujours plaire en l'imitant toujours. La pureté de ces eaux transparentes, D'un cœur plus pur encor peint la naïveté ; Le jet brillant de ces eaux bondissantes, De son esprit peint la vivacité. Voit-on mes flots, au gré de la nature, Suivre négligemment leur cours? C'est l'image de ses discours, Qui nous plaisent sans imposture. J'aime à répéter dans mes eaux L'azur des cieux, les fleurs de mon rivage, Et la verdure des berceaux;

Mais j'aime cent fois mieux réfléchir son image.

AD CHRISTINAM

SUECORUM REGINAM,

NOMINE CROMWELLI.

Bellipotens virgo, septem regina trionum,
Christina, Arctoi lucida stella poli!
Cernis, quas merui dura sub casside, rugas,
Utque senex, armis impiger, ora fero:
Invia fatorum dum per vestigia nitor,

Exsequor et populi fortia jussa manu.
Ast tibi submittit frontem reverentior umbra:
Nec sunt hi vultus regibus usque truces.

CROMWEL A CHRISTINE,

REINE DE SUÈDE,

EN LUI ENVOYANT SON PORTRAIT.

(Traduit de Milton.)

Astre brillant du Nord, intrépide amazone, L'exemple de ton sexe et la gloire du trône! Tu vois comme ce casque, au déclin de mes ans, D'un front déja ridé couvre les cheveux blancs. A travers cent périls, dans des routes sans trace, Les destins triomphants ont conduit mon audace. Un peuple entier remit ses droits entre mes mains. Jaloux d'exécuter ses ordres souverains, C'est pour lui que j'ai pris, que je garde les armes ; Mais rassure ton cœur : l'auteur de tant d'alarmes, Cromwel, dans ce tableau, se soumet à tes lois : Ce front n'est pas toujours l'épouvante des rois (').

(1) Ce dernier vers est de Voltaire, qui avoit traduit ainsi la fin de cette épigramme.

Les armes à la main j'ai défendu les lois;
D'un peuple audacieux j'ai vengé la querelle.
Regardez sans frémir cette image fidèle:

Mon front n'est pas toujours l'épouvante des rois.

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