Dote les hôpitaux ; qu'une aumône secréte Surprenne l'indigent au fond de sa retraite. Du moins, si tes bienfaits n'osent rester obscurs, Encourage nos arts, et décore nos murs.
La peinture à tes soins remet ce jeune éléve; Ce chef-d'œuvre important demande qu'on l'achève; Ce monument gothique offense les regards...
Mais que parlé-je ici de chefs-d'œuvres et d'arts? Vois-tu, près de tes parcs, sous ton château superbe, Ces spectres affamés qui se disputent l'herbe? Vois-tu tous ces vassaux, filles, femmes, enfants, De ton domaine ingrat abandonner les champs? Sois homme: par tes dons, retiens ce peuple utile, Laisse-lui quelque épi du champ qu'il rend fertile ; que ses humbles toits, réparés à tes frais, Pardonnent à l'orgueil de tes riches palais.
J'ai promis des vers à Constance; Pour moi son ordre est une loi: Qu'un regard soit ma récompense! Il est vrai qu'avec répugnance J'ai d'abord reçu cet emploi: Je hais le triste personnage De ces insipides rimeurs
Qui, dans leur importun ramage, S'en vont bégayant des fadeurs; Qui ne passent pas votre fête, Sans qu'une chanson toute prête Vous compare à votre patron; Ne permettent point qu'une femme Mette au jour un petit poupon, Sans accoucher après madame D'un petit poëme avorton; N'apprennent point un mariage, Que leurs poétiques cerveaux, D'un insipide verbiage
Affligeant les époux nouveaux,
Ne répandent dans le ménage Moins de roses que de pavots; Pour une blonde, une brunette, Ont en poche une chansonnette; Enfin, qui, méritant le nom De poëtes de la famille, Chantent et la mère et la fille,
Et jusqu'au chien de la maison.
D'ailleurs, pour offrir son hommage, Sur-tout pour plaire à la beauté,
Parlons avec sincérité,
Les vers sont d'un bien foible usage! Les poëtes les plus vantés Rarement ont eu l'avantage
De plaire aux yeux qu'ils ont chantés. Leur Muse, aimable enchanteresse, En donnant l'immortalité,
Peut chatouiller la vanité,
Mais n'excite point la tendresse:
Le myrte heureux de la déesse Qui préside à la volupté
Rarement s'élève à côté
Des lauriers brillants du Permesse. Le Dieu des vers, je le confesse, Du Dieu d'amour est peu fêté; Et je plains fort, je vous assure, Ces amoureux toujours rimants, Qui, doublement à la torture,
Et comme auteurs, et comme amants, Pour mieux attendrir leur Climéne, Vont présenter à l'inhumaine, Avec l'hommage de leur cœur, Quelque poétique fadeur, Quelque innocente chansonnette Qu'elle parcourt à sa toilette, Et qu'elle oublie avec l'auteur, Pour quelque amant moins bon rimeur, Mais des charmes de la coquette Bien plus solide adorateur.
Constance, je pense de même ; On peut très bien, en vérité, Dire sans rimer: « Je vous aime. » Un mot seul vaut un long poëme, Quand c'est le cœur qui l'a dicté. D'un amant la brûlante ivresse, Sa douce sensibilité,
Sa touchante timidité
Près de l'objet qui l'intéresse, Ses yeux, au gré de sa maîtresse, Tantôt rayonnants de gaieté, Tantôt éteints par la tristesse : Voilà les preuves de tendresse Dont est jalouse la beauté.
Je sais que l'amant de Glycère, Que nos Lafares, nos Chaulieux, Ont chanté l'amour et sa mère;
Mais ils chantoient l'amour heureux. L'art des vers fut toujours chez eux Accompagné de l'art de plaire: Quand ils célébroient leur bergère, Ils la célébroient sous ses yeux, Et, de leurs écrits amoureux, Chaque ligne, je le parie, Étoit précédée ou suivie De ces baisers voluptueux Dont leur Corinne ou leur Sylvie
Payoit leurs chansons et leurs feux.
Pour moi, sans être aimé comme eux, Cependant, pour plaire à Constance, Je vais chanter loin de ses yeux. de talents précieux,
Accusant déja mon silence, Demandent des vers dignes d'eux!
Et ses propos ingénieux
Dont le sel piquant nous réveille,
Et les accents mélodieux
Dont sa voix flatte notre oreille, Et la finesse de ses yeux, Et le sourire gracieux
Qui naît sur sa bouche vermeille; Tout vient me charmer à-la-fois. J'hésite, embarrassé du choix; Et, semblable à la jeune abeille, Qui, quand Flore ouvre sa corbeille,
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