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dès long-temps je sers,

Fidéle au dieu du chant que

Je l'avouerai, pour ma Muse indigente,

A vos poétiques concerts

J'aimerois mieux voler quelqu'un des jolis airs

Que votre Muse négligente

Adresse à l'écho des déserts:

Gardez donc votre chasse, et laissez-moi vos vers.

DITHYRAMBE

SUR

L'IMMORTALITÉ DE L'AME(').

1794.

D'où me vient de mon cœur l'ardente inquiétude?
En vain je promene mes jours

Du loisir au travail, du repos à l'étude :
Rien n'en sauroit fixer la vague incertitude,
Et les tristes dégoûts me poursuivent toujours.
Des voluptés essayons le délire;

Couronnez-moi de fleurs, apportez-moi ma lyre;
Graces, Plaisirs, Amours, Jeux, Ris, accourez tous,
Que le vin coule,

Que mon pied foule

Les parfums les plus doux.

Mais quoi! déja la rose pâlissante

Perd son éclat, les parfums leur odeur!
Ma lyre échappe à ma main languissante;
Et les tristes ennuis sont rentrés dans mon cœur.

Volons aux plaines de Bellone;

(1) Voyez la NOTICE, page xxvij.

Peut-être son brillant laurier
A mon cœur va faire oublier
Le noir chagrin qui l'environne.
Marchons : déja la charge sonne,
Le fer brille, la foudre tonne;
J'entends hennir le fier coursier;
L'acier retentit sur l'acier;
L'Olympe épouvanté résonne
Des cris du vaincu, du vainqueur;
Autour de moi le sang bouillonne :
A ces tableaux mon cœur frissonne,
Et la Pitié plaintive a crié dans mon cœur.

D'un air moins turbulent l'Ambition m'appelle,
Sublime quelquefois, et trop souvent cruelle :
Pour commander, j'obéis à sa loi.

Puissant dominateur de la terre et de l'onde,
Je dispose à mon gré du monde,
Et ne puis disposer de moi.
Ainsi, d'espérances nouvelles
Toujours avide et toujours dégoûté,

Vers une autre félicité

Mon ame ardente étend ses ailes;

Et rien ne peut calmer, dans les choses mortelles, Cette indomptable soif de l'immortalité.

Lorsqu'en mourant le sage céde

Au décret éternel dont tout subit la loi,

Un Dieu lui dit : « J'ai réservé pour moi
L'Éternité qui te précéde;
L'Éternité qui s'avance est à toi. »

Ah! que dis-je? écartons ce profane langage!
L'Éternité n'admet point de partage:

Tout entière en toi seul Dieu sut la réunir;
Dans lui ton existence à jamais fut tracée,
Et déja ton être à venir

Étoit présent à sa vaste pensée.

Sois donc digne de ton auteur;
Ne ravale point la hauteur
De cette origine immortelle !

Eh! qui peut mieux t'enseigner qu'elle
A braver des faux biens l'éclat ambitieux?
Que la terre est petite à qui la voit des cieux!

Que semble à ses regards l'Ambition superbe?

C'est dans ces vers rampants, dans leur humble cité, Vils tyrans des gazons, conquérants d'un brin d'herbe, L'invisible rivalité.

Tous ces objets qu'agrandit l'ignorance,

Que colore la vanité,

Que sont-ils, aperçus dans un lointain immense,
Des célestes hauteurs de l'Immortalité?

C'est cette perspective, en grands pensers féconde;
C'est ce noble avenir qui, bien mieux que ces lois
Qu'inventa de l'orgueil l'ignorance profonde,

Rétablit en secret l'équilibre du monde;

Aux yeux

de l'Éternel égale tous les droits, Nos rires passagers, nos passagères larmes ;

Ote aux mots leur tristesse, aux voluptés leurs charmes ;
De l'homme vers le ciel élance tous les vœux.

Absent de cet atome, et présent dans les cieux,
Voit-il, daigne-t-il voir s'il existe une terre,
S'il y brille un soleil, s'il y gronde un tonnerre;
S'il est là des héros, des grands, des potentats,
Si l'on y fait la paix, si l'on y fait la
Si le sort y ravit ou donne des états?

guerre,

Eh! qui, du sommet d'un coteau
Voyant le Nil au loin rouler ses eaux pompeuses,
Détourneroit les yeux de ce riche tableau

Et de ces eaux majestueuses,

Pour entendre à ses pieds murmurer un ruisseau?

Silence, êtres mortels! vaines grandeurs, silence!
L'obscurité, l'éclat, le savoir, l'ignorance,

La force, la fragilité,

Tout, excepté le crime et l'innocence,
Et le respect d'une juste puissance,

Près du vaste avenir, courte et frêle existence,

Aux

yeux désenchanteurs de la réalité,
Descend de sa haute importance
Dans l'éternelle Égalité.

Tel, le vaste Apennin, de sa cime hautaine,

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