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S'en va de mes aïeux chercher l'antiquité;

L'autre, de l'avenir franchissant la barrière,
Vole au-devant de ma postérité.

En cercle sur mes pas le destin me ramène ;
Long au gré de l'ennui, mais court pour le plaisir,
Tantôt je vole, et tantôt je me traîne ;

Et le dégoût et le desir,

Par d'insipides jeux, par un babil frivole,
Chacun impunément l'un et l'autre me vole:
C'est un commerce de larcins.

Victime à tout instant des caprices humains,
En public, en secret, au théâtre, aux festins,
A m'immoler tout homme s'évertue.
Au fond d'un cabinet un lourd savant me tue,
Un fat au Ranelagh; mais plaignez mes destins :
Il n'est point de Tyburn contre mes assassins.
Tout ressent mon pouvoir : le voyageur l'admire
Sur les débris d'Athène, aux sables de Palmyre;
Je fais, mieux que Johnson, justice des auteurs,
Scandale du bon goût et fléau des lecteurs.
Tout empire me doit sa grandeur et sa chute.

Bien ou mal traité dans mon cours,

L'un me chérit et l'autre me rebute;
L'un est prodigue de mes jours,
L'autre avare d'une minute.

L'homme de loi vend cher au plaideur malheureux

Chaque point de mon existence,

Et le marchand pèse dans sa balance

Jusqu'au moindre de mes cheveux.
De moi le riche à grands frais se délivre ;
Le criminel qui va cesser de vivre
Me prie en vain de ralentir mes pas;
Tandis qu'en un jour de naissance,
Excédé d'étiquette et de magnificence,
Le beau monde se plaint que je ne finis

pas.

Les malheureux m'appellent à leur aide ;

Eh! quel autre que moi sait guérir tous les maux, Et sans salaire et sans reméde?

Lorsque son imprudent regard,

D'un miroir trop fidéle interroge la glace,
La beauté sur son teint voit à regret ma trace;
Mais moi-même, en secret, réparant sa disgrace,
Je mûris lentement ce fard,

Dont les mains forment avec art

La blancheur de ses lis, l'incarnat de ses roses,
Sous des pinceaux flatteurs chaque matin écloses.
Ah! calmez donc un injuste dépit;
Belles, cessez d'accuser mon ravage;
Belles, je rends à votre esprit

Ce que j'ôte à votre visage.

Mais c'est trop babiller, lecteur, repose-toi ;

Car tu me perds en t'occupant de moi.

A M. DE C***,

POLONAIS.

Dans votre poétique et doux pélerinage,
Au tombeau glorieux du chantre des Romains,
Objet sacré de plus d'un grand voyage

Des enfants d'Albion, des Français, des Germains,
Vous n'avez donc pas fait une course inutile!
Ornement éternel du tombeau de Virgile,
Cette feuille sacrée est tombée en vos mains;
Vous méritiez de l'avoir en partage,
Vous qui savez chérir son sublime langage.
Cet arbre le plus vieux, le plus beau des lauriers
Qu'épargna la tempête et que respecte l'âge,
Depuis qu'il reverdit, jamais si volontiers

A l'étranger ne céda son feuillage,

Qu'au poëte envieroient les plus fameux guerriers.
Des voyageurs obscurs la main lui fait outrage;
Leur larcin est un vol: le vôtre est un hommage.
A ce poëte aimable, et cher au monde entier,
Mon cœur se plaît à vous associer.

Pour vous louer, que n'ai-je son langage?
L'un à l'autre jadis vous eussiez été chers;

Vous auriez admiré ses vers,

Il eût chanté votre courage.
Tant que des ans le cours l'épargnera,
De ses honneurs conservez bien ce gage;
Vous croirez voir en lui le noble témoignage
De l'admiration que Virgile inspira,

L'arbre qu'un vieux respect à son nom consacra,
Le mont qui l'embellit, le tombeau qui l'ombrage;
Pour moi, ce cher débris m'inspire un vœu pour vous,
C'est que de vos beaux jours, si précieux pour nous,
Ce laurier immortel soit la fidéle image.

A LA PRINCESSE

AUGUSTA DE BRUNSWICK.

Proscrit, errant, sans foyer, sans patrie,
Cet enfant nouveau-né d'une épouse chérie (1),
Même en nous consolant, ajoutoit à nos maux ;
Mais des infortunés la généreuse amie

Lui daigne ouvrir ses bras et son ame attendrie!
Sous des auspices aussi beaux,

Ah! qu'il est doux d'arriver à la vie!

Tel ce bouton frais et vermeil,

Qui dans l'hiver n'osoit éclore, N'attendoit, pour s'ouvrir, qu'un rayon du soleil, Ou qu'une larme de l'Aurore.

Heureux enfant! du céleste flambeau Apprends-nous donc enfin à bénir la lumière ; Mêle ton doux souris aux larmes de ta mère, Et puisse, jusques au tombeau, T'accompagner dans ta carrière,

Ce rayon de bonheur tombé sur ton berceau!

(1) La princesse avoit tenu sur les fonts de baptême l'en

fant d'un Français qui lui adressoit ces vers.

T. I. POÉS. Fug.

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