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PARALLÈLE

DE LA BIENFAISANCE ET DE LA RECONNOISSANCE,

ÉPITRE

Présentée par la sœur de madame DELILLE, à madame la comtesse POTOCKA, dont elle avoit reçu une paire de bracelets.

Deux déités, qui de leur main féconde Versent la paix et le bonheur au monde, Servant dans ses desseins le Dieu de l'univers, Joignent d'un double noeud tous les êtres divers. C'est toi, divine Bienfaisance!

C'est toi, sa digne sœur, tendre Reconnoissance!
Grace à ces deux divinités,

De services rendus, de bienfaits acquittés,
L'esprit social se compose:

Tout se tient dans le monde entier.
Voyez cet arbrisseau, dont le suc nourricier
Court abreuver la fleur nouvellement éclose;
Le rosier de sa sève alimente la rose,

Et la rose à son tour embaume le rosier.
Ainsi l'aimable Bienfaisance

Répand ses dons consolateurs ;

Ainsi le doux encens de la Reconnoissance
Rend hommage à ses bienfaiteurs.

Le cœur se plaît à comparer entre elles

Ces deux sœurs, qui devroient, compagnes éternelles, Pour consoler le genre humain,

Marcher toujours ensemble en se donnant la main, Et qui souvent, hélas ! l'une à l'autre infidéle, Brisent leur chaîne mutuelle,

Et se séparent en chemin.

Toutes deux ont leur caractère,

Et leur penchant, et leur pouvoir;
L'une de l'autre est tributaire;

L'une aspire à donner, et l'autre aime à devoir;
L'une offre avec bonté, l'autre accepte sans honte.
Par un instinct doux et puissant,

La Reconnoissance remonte,

Et la Bienfaisance descend:

L'une appartient à la foiblesse,
L'autre au pouvoir; l'une de la richesse
Verse le superflu sur l'indigence en pleurs ;

L'autre, à sa sœur, pour récompense,
Portant les hommages des cœurs,
Sur la douce correspondance
Des obligés, des bienfaiteurs,
Des besoins et de l'abondance,
Fonde l'utile dépendance
Des protégés, des protecteurs,
Du savoir et de l'ignorance,

Des grands et des petits, et du peuple et du roi ;
L'une suit le bienfait, et l'autre le devance;
Et, pour mieux peindre encor leur différence,
l'autre c'est moi.

L'une c'est vous,

Mais quelques traits encor manquent au parallèle : De toutes deux la grace naturelle

Sait nous plaire et nous attacher;

Mais l'une aime à paroître, et l'autre à se cacher.
L'oubli sied à la Bienfaisance;

Créancière sans défiance,
Jamais, envers son débiteur,
Sa généreuse insouciance,
D'un impitoyable exacteur
Ne se permit l'avide impatience;

Au lieu d'arracher à nos cœurs
Le prix forcé de ses faveurs,

De son noble abandon l'oublieuse indulgence
Laisse à d'orgueilleux protecteurs,

De leur tyrannie obligeante

Les officieuses hauteurs,

Et de leur mémoire exigeante

Les souvenirs persécuteurs.

Mais si l'oubli sied à la Bienfaisance,
Le souvenir convient à la Reconnoissance:
Il exerce sur elle un pouvoir souverain;
Elle retient des dons l'image impérissable;
Par elle les bienfaits sont gravés sur l'airain,
Et les injures sur le sable;

Par elle, notre cœur s'acquitte à peu de frais.
Ces liens qu'à mon bras votre main entrelace,
A vous m'enchaînent à jamais :
Reconnoître les dons et donner avec grace,
Voilà le code des bienfaits,

Qui depuis long-temps est le nôtre.

A tous les cœurs bien nés l'un et l'autre est commun: Votre ame vient d'éprouver l'un,

La mienne jouira de l'autre.

Ainsi des noeuds bien chers se forment entre nous.
Bien faire c'est jouir, et bien sentir c'est rendre ;

L'un marque une ame noble, et l'autre une ame tendre.
Votre rôle est plus beau, mais le mien est plus doux.
Voyez combien de délices rassemble

Ma juste sensibilité !

Vous chérir, c'est aimer ensemble

L'esprit, la grace, et la bonté.

min

ÉNIGME

TRADUITE DE L'ANGLAIS.

Dans maint écrit, dans maint tableau,

A l'envi l'on me défigure.

Depuis que je suis né, vainement je murmure
Contre la plume et le pinceau :

L'un me peint l'air flétri, courbé, ridé par l'âge;
Mais, de par tous les dieux, c'est trop me faire outrage.
Je m'emporte; mais, sur ma foi,

Par la malignité de cette humaine engeance,

Aucun ne fut maltraité comme moi.

Je pourrois l'en punir; mais, pour toute vengeance,
Je prétends ici trait pour trait,

En bien, en mal, dessiner mon portrait.
D'abord, du beau côté, s'il faut que je me peigne,

Celui qui sert, celui qui règne, Également sont soumis à ma loi;

Mais tout mortel est fatigué de moi;

Passé, chacun me pleure, et présent, me dédaigne.

Le souvenir, la curiosité,

Tout s'intéresse à ma famille entière:

L'un, rejetant ses regards en arrière,

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